Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/93

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Riche des dons de Flore et des fruits de Pomone,
De l’homme, heureux vainqueur des eaux qu’il emprisonne,
Marque la récompense, et sous ces heureux traits
L’abondance aux mortels verse encor ses bienfaits.
Ce travail vous étonne ? Eh ! Voyez le batave
Donner un frein puissant à l’océan esclave.
Là le chêne, en son sein fixé profondément,
Présente une barrière au fougueux élément.
S’il n’a plus ces rameaux et ces pompeux feuillages
Qui paroient le printemps et bravoient les orages,
Sa tige dans les mers soutient d’autres assauts,
Et brise fièrement la colère des eaux.
Là d’un long mur de joncs l’ondoyante souplesse,
Puissante par leur art, forte par sa foiblesse,
Sur le bord qu’il menace attend le flot grondant,
Trompe sa violence et résiste en cédant.
De là ce sol conquis et ces plaines fécondes,
Que la terre étonnée a vu sortir des ondes ;
Ces champs pleins de troupeaux, ces prés enfans de l’art !
Le long des flots bruyans qui battent ce rempart,
Le voyageur, surpris, au-dessus de sa tête
Entend gronder la vague et mugir la tempête,
Et dans ce sol heureux, à force de tourment,
La nature est tout art, l’art tout enchantement.
Vous ne pouvez sans doute offrir ces grands spectacles ;
Mais votre art plus borné peut avoir ses miracles.