Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/94

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Donnez-lui donc l’essor ; sachez par vos travaux
Vaincre ou mettre à profit le cours puissant des eaux.
Tantôt à votre sol l’onde livrant la guerre
Mord en secret ses bords, et dévore sa terre :
Tantôt par son penchant le courant entraîné
Vous livre, en s’éloignant, son lit abandonné :
Ailleurs, d’un champ qu’il ronge emportant ses ruines,
Ses flots officieux vous cèdent leurs rapines.
Recevez leurs présens, et, protégeant leurs bords,
De l’onde usurpatrice arrêtez les efforts,
Et gouvernant son cours rebelle ou volontaire,
Traitez-le comme esclave ou comme tributaire.
Souvent même, dit-on, tout un frêle terrain
De sa base d’argile est détaché soudain,
Glisse, vogue sur l’onde, et, vers d’autres rivages,
D’un voisin étonné va joindre l’héritage.
Le nouveau possesseur, qu’enrichissent ces eaux,
Contemple à son réveil ses domaines nouveaux,
Tandis qu’à l’autre bord ses déplorables maîtres
Ont vu s’enfuir loin d’eux les champs de leurs ancêtres.
Muse, attendris tes sons, et chante la douleur
De la belle Égérie, heureuse en son malheur.
Sous les monts de l’écosse, en un lac où des îles
Pressent, dit-on, les flots de leurs masses mobiles,
Son père possédoit un modique terrain,
Élevé sur les eaux et flottant sur leur sein :