Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/109

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rôder autour d’elle l’agitation du lendemain victorieux.

Taciturne guetteur qui maintient la frontière, comme un poteau indéracinable, dressant l’effigie de la pensée dominatrice allemande au-dessus de l’occident flamand et de l’occident latin, mais tendue comme un regard vers la mer et les grandes îles, Aix-la-Chapelle se tait comme jamais elle ne s’est tue. Comme si, plus profond, le silence de son orgueil séculaire voulait étouffer les pas qui marcheront cette nuit, les pas en route vers l’ouest.


Nuit opaque. Sommeil. Sommeil pensif.


Départ à l’aube. Mes compagnons n’ont pas cet air de joie facile qu’ont tous les hommes au réveil. Ils ont leur visage sérieux de la veille.

Nous parlons à peine. Mon fils a dû passer une nuit blanche. Il est moins grave qu’hier et tapote fébrilement la portière de l’auto avec sa petite cravache.

Il s’est déplacé beaucoup de puissance allemande cette nuit. Ce sera plus décisif la nuit prochaine.

En rasant un mur de ferme, j’entrevois un troupeau immense qui se presse contre la barrière. Qu’un autre se joigne à lui et la masse