Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/13

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Il faisait bon être bon après l’avoir vue si bonne.

Quelques mois de Faculté et de quartier latin les avait liés absolument. Et Claude, ce vaillant, enclin à des détresses d’enfant, y avait reconnu l’âme calmante et bonne. Quand il était triste du vide où le jetait l’absence de toute espèce de famille, je lui disais : « Va chez Bouche d’Or. » Il prenait le train, et me revenait quelques jours après, avec un entrain tout neuf. Anna, Anna Bouche d’Or, comme je l’appelais en plaisante admiration, l’avait remis d’aplomb avec trois mots ou son bon rire.

Ils ne s’étaient jamais embrassés.

Il était de taille pour ces trois mots-là à éventrer la forteresse où on le tenait et je ris bien haut tout soudain à la pensée que Claude était heureux à cette heure !

Mon éclat de rire fit que mon voisin se réveilla en grommelant. Je rougis et baissai les yeux sur le télégramme d’Anna.

Je fus presque douloureux d’avoir ri. En relisant machinalement, je voyais : « Claude ramené d’Allemagne. »

Claude ramené d’Allemagne… Claude ramené d’Allemagne… Il ne s’était donc pas évadé. Il était parti avec le droit de partir. Quels soldats français avaient le droit de partir d’Allemagne ?…