Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/12

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moral contre toutes les tempêtes. Camaraderie, amitié, une belle compréhension réciproque forte et solide, prêt à tout, surtout à ne pas se laisser appeler amour. Que de fois, en évoquant les entretiens passés d’Anna et de Claude, je m’étais dit : « Voilà deux hommes faits pour s’entendre. »

Le même but d’abord, la science, et la même application de leurs études : Claude avait une clinique à Paris, Anna une clinique à Lausanne, organisées presque pareillement sans que l’un ait conseillé ni plagié l’autre ? C’est qu’ils étaient déjà de la graine de maîtres, ces jeunes gens de trente et de trente-cinq ans ; et, pour soigner les maladies mentales, ils avaient cette mesure quasi passionnée qui touche au miracle.

Avec cela, des visages si semblables ! Claude Arzeu, grand, un peu courbé, comme honteux de ses épaules d’athlète, et tellement bon, tellement encourageant, par son sourire tendrement obstiné, dans une figure presque de paysan, où la rudesse est toujours sensible. Les belles sensibles figures, Bretonnes ou Tourangelles…

Anna avait des joues rouges, de gros yeux, et elle s’habillait comme un homme, comme un homme qui ne perd pas de temps chez son tailleur, mais elle riait si bien et elle aimait si bien, en riant !