Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Schmidt. Herr Schmidt.

— Son vrai nom ?

— Schmidt.

— Anna…

— Quoi, Anna ? appelez-le « Monsieur de Berlin » ; moi, je trouve ça très gentil.

— Au moins, dites-moi…

— Rien.

J’allai près de Claude. Tout le matin je fus insupportable. Je lui fis lecture de quelques articles, mais je m’interrompais à tout instant et ne prenais pas garde à ce que je lisais. Enfin je me levai, m’excusai à peine et descendis faire plusieurs fois le tour du jardin d’une allure précipitée, puis je revins déjeuner et ne soufflai mot de tout le repas. Anna se moqua de moi doucement.

— Que veux-tu, plaidait Claude, ce lascar veut se faire des relations.

J’étais curieux comme une fille. Que pouvait m’apprendre un entretien avec un pauvre homme démoli et dégénéré dont la seule vue et l’accent commenceraient sans doute par me révolter ? Je n’avais rien à lui dire et je ne savais comment je pourrais le faire parler. Et lui faire dire quoi ? Je me trouvais parfaitement stupide de chercher un tel passe-temps au milieu d’un séjour de tendresse profonde, mais j’étais incapable d’étouffer