Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/139

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Après un rendez-vous, ne fut moins amoureux.
À peine a-t-il quitté sa nouvel1e maîtresse,
Qu’Alfred d’une autre femme évoque la tendresse.
II songe à Napoline, et reconnaît ses torts,
Car avec la raison reviennent les remords.
Ce souvenir lui rend d’amoureuses idées :
Il compare soudain à ces grâces fardées,
À ces attraits d’emprunt, si laids sans ornements,
Cette beauté naïve et ces contours charmants,
Cet éclat qui faisait admirer Napoline.
Il se la figurait douce, aimante, câline,
Chaste et passionnée, humble et fière à la fois.
II lui semblait déjà s’attendrir à sa voix.

« Chère enfant ! disait-il, que fait-elle à cette heure ?
Elle m’en veut, je gage, elle est triste, elle pleure.
Elle me hait !… Demain, j’irai la consoler :
Oh ! j’empêcherai bien ses larmes de couler !
Je lui dirai  : Ma vie est à vous, je vous aime ;
Vous m’avez mal jugé… Je n’étais plus le même ;
Je devenais un fat, mais vous m’avez sauvé :
Donnez-moi le bonheur que mon âme a rêvé ;
Aimez-moi  ! —

                          « C’en est fait… oui, le monde m’ennuie !
Je trouve ses plaisirs tristes comme la pluie.
Je n’y peux plus tenir ; ce métier d’élégant
Est sans profit, stupide, et puis très fatigant.
Il faut toujours songer à plaire, et toujours feindre ;
Aux usages des sots en tous lieux se contraindre,
Se friser tous les soirs, se parer jusqu’aux doigts,
Porter des bas à jours, et des souliers étroits ;
Tout cela pour aller courtiser une belle
Qui ne vous entend pas, qui ne parle que d’elle !