Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/100

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est un des épisodes les plus curieux de l’histoire du dix-huitième siècle. La guerre a été déclarée à l’Autriche. Les opérations commencées dans ses provinces des Pays-Bas sont portées dans l’est de la France. Mme de la Tournelle, faite duchesse de Châteauroux, décide le roi à prendre le commandement de l’armée et organise, à sa suite, une procession triomphale. Mais Louis XV tombe très gravement malade à Metz. Maurepas, premier ministre, et les évêques s’emparent de son chevet et demandent le renvoi de la favorite. Son crédit baisse ou hausse, d’heure en heure, suivant les fluctuations de la maladie. Enfin, de par le roi, on lui signifie l’ordre du départ. L’œil sec, le cœur contracté, la maîtresse déchue refait, comme une fugitive, les postes de la route de Versailles qu’elle avait suivie, quelques jours avant, dans tout l’éclat de la faveur.

Mais le roi s’est rétabli. Un soir, à Paris, il va surprendre, dans sa maison de la rue du Bac, l’ancienne maîtresse désolée. Aussitôt, se redressant, se gonflant d’orgueil, enfiévrée de vengeance, elle exige que Maurepas s’humilie et vienne, en ambassade régulière, lui signifier son rappel. Mais la joie déborde en elle, les nerfs trop tendus se cassent, elle suffoque et meurt dans les bras de sa sœur aînée Mme de Mailly.

À la suite de sa maladie, plus molle et plus inerte encore était la volonté de Louis XV. Énervé, amolli par l’abus de la femme, la tête et le cœur vides, il occupait le trône en roi fainéant, sans s’intéresser aux choses. L’ennui et le dégoût l’avaient reconquis ; il ne subsistait en lui que l’estomac profond et les sens goulus de sa race. Le divorce avec Maria Leczinska existait, en fait, depuis quatre ans. L’interrègne des maîtresses dura peu.

« Une jeune mariée occupait en ce temps le monde