Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

L’amour brûle en elle, comme la lampe dormante et blonde d’un sanctuaire. Il en a la lueur discrète et le parfum. L’interne qui est l’objet de ce culte humain ignore le sentiment qu’il inspire. « Ainsi resserré dans le chaste cœur qui l’étouffe, l’amour de sœur Philomène a la mélancolie d’un incendie dans la solitude, » écrivait Paul de Saint-Victor. Quand elle se traîne, à demi brisée, pour prier au pied du lit de son amant mort, la mèche de cheveux qu’elle accepte est la première marque saisissable de sa tendresse.

Les auteurs ont tiré une belle œuvre de psychologie et de plastique de cette figure éclairée dans le dedans et dans les dehors. Tout, dans le livre qui incline au mysticisme, est mesure, demi-teinte et charme. Le style s’est simplifié pour pénétrer dans cette âme simple. Il a toutes les prudences réticentes et les délicatesses ouatées d’un confesseur s’insinuant, comme un renard, dans une conscience de jeune fille.

À cette étape de leur carrière, les Goncourt n’étaient pas encore libérés des démarches laborieuses qu’ont dû faire tant de débutants pour placer leurs livres. Une note du Journal constate qu’ils furent fort heureux de vendre leur volume, moyennant vingt centimes l’exemplaire, à la Librairie nouvelle. Affaire doublement médiocre, car, quelques mois après la mise en vente, la Librairie nouvelle tomba en faillite. Et les auteurs écrivent, avec mélancolie : « Nos Hommes de lettres nous ont coûté, à peu près, un billet de cinq cents francs. Sœur Philomène ne nous rapportera rien. C’est un progrès ! »

Paul de Saint-Victor, presque seul, s’occupa du livre. Il publia, dans la Presse, un article qu’il fit suivre, quelques jours après, de la lettre que voici :