Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/108

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ceux que nous avons écrits jusqu’ici. Nous l’avons exécuté involontairement, presque fatalement, sous le coup d’impressions qui ont emporté notre plume, en sorte que c’est à peine si nous en avons conscience. Je vous donne ma parole que je ne sais pas s’il est bon ou mauvais… Vous êtes le plus compétent des juges. Notre hôpital a-t-il assez de relief ou n’en a-t-il pas assez ? Nous sommes-nous arrêtés dans l’horreur au juste point ? Avons-nous passé le dégoût ? Avons-nous dosé la chair de poule, selon une mesure raisonnable ? Et puis encore, notre décor tient-il trop de place ? Ne marche-t-il pas sur les personnages ? Je vous avouerai que nos internes nous semblent bien un peu pâles, sans caractère. Mais le caractère d’un hôpital, le caractère des choses, cela s’embrasse d’un coup d’œil, au lieu que des caractères d’hommes, voilà qui ne s’emporte pas avec quelques heures d’observation. Il faut vous dire aussi, pour notre propre défense, que nous ne voulions pas entasser les personnages, les physionomies morales, comme dans nos Hommes de lettres. Nous cherchions ici l’unité, la concentration de l’intérêt sur le couple et surtout sur la sœur.

« Pour celle-ci l’embarras était de ne point trop la canoniser. Nous avons essayé de la faire vraisemblable. Nous l’avons sortie, avec des façons et un esprit vulgaire, d’un milieu peuple ; nous lui avons rogné, de notre mieux, ses ailes d’ange. Nous aurions voulu en faire une bonne pâte de sainte. Est-ce que cette figure de demi-convention est un peu sur ses jambes, comme on dit dans les ateliers ? »[1]

Et Gustave Flaubert lui répondait deux lettres d’où nous extrayons ces passages :

  1. Lettres de Jules de Goncourt, p. 160.