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trop impressionnables pour se donner toute une soirée en spectacle. Henriette fut jugée diversement, souleva les sympathies et les objections. Les auteurs rassurés et satisfaits de l’impression qu’ils avaient produite, écrivirent à M. Harmand qui venait de succéder à M. de Beaufort, dans la direction du Vaudeville, pour lui proposer la pièce.

En ce temps-là, M. Th. de Banville venait de faire recevoir, à la Comédie française, la petite pièce en vers qui a pour titre la Pomme. Il avait entendu la lecture d’Henriette. Frappé par la modernité de l’acte des masques, par les étincelles jaillissant du dialogue, par la franchise du jet dans l’œuvre entière, il parla d’elle, au foyer des artistes, le lendemain, avec son lyrisme et son enthousiasme habituels, devant le fin lettré qui était alors l’administrateur de la Comédie.

M. Éd. Thierry désira lire le manuscrit et M. Th. de Banville s’empressa d’écrire aux auteurs :

« Mardi, 11 avril 1865.
« Mes chers amis,

« Édouard Thierry (ceci est confidentiel) m’a exprimé un vif désir de connaître votre pièce. Il est un de vos ardents admirateurs ; il a dit du bien de vos livres dans les papiers imprimés, et, dans ce moment-ci même, ayant à monter une pièce dont l’action se passe sous le Directoire, il consulte et relit sans relâche votre Histoire de la Société française sous le Directoire.

« Je lui ai fait observer que votre talent, votre situation littéraire et la juste renommée acquise par vos longs efforts ne vous permettent pas de vouloir être refusés à un théâtre. Mais il le comprend aussi bien et mieux que moi. Aussi est-ce à un point de vue non officiel et absolument amical qu’il vous prie de faire connaître votre pièce à l’homme de lettres Édouard Thierry à qui elle inspire une vive curiosité. Pour votre gouverne, sachez bien, au pied de la lettre, que ce désir a été réellement et spontanément exprimé par Thierry, sans aucune provocation de ma part… »