Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/134

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verte, à travers de l’air que nous couperons avec nos têtes sans chapeaux. »

La pièce, sous le nom d’Henriette, était donc reçue, non pas à l’unanimité, comme les auteurs l’ont dit dans la première édition de la brochure, mais par neuf boules blanches et deux rouges sur onze votants.

Au moment où l’on distribuait les rôles aux artistes, un incident vint compromettre l’entreprise ou au moins retarder la première répétition. M. Delaunay, pris d’un scrupule imprévu, refusa le rôle de Paul qui lui était destiné, sous prétexte que son âge ne se prêtait plus à la création d’un personnage aussi jeune.

M. Delaunay jouait pourtant, trois fois par semaine, le Perdican d’On ne badine pas avec l’amour ; il venait d’interpréter avec éclat le Damis de la Métromanie et le Menteur, ce tout jouvenceau de Poitiers, était son meilleur rôle. Sous son refus se dissimulait une prétention qui n’avait rien à faire avec l’art. M. Got venait de s’engager dans un procès contre la Comédie française. Me Cléry soutenait pour lui, devant le Tribunal de la Seine, que les têtes de la troupe faisaient seules la besogne et les recettes, que quelques sociétaires, toujours les mêmes, étaient constamment sur la brèche et que leurs appointements n’étaient pas en rapport avec les services qu’on leur demandait. Et M. Got, qui devait perdre son procès en première instance et en appel, demandait simplement la dissolution de la société appelée Comédie française.

M. Delaunay n’était pas engagé dans l’affaire, mais il partageait les sentiments de son camarade. Avec moins de franchise et sous forme d’inertie, il tentait d’entraver la marche du théâtre. Il se savait, au reste, depuis l’injustice qui avait amené le départ de M. Worms