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pour la Russie, le seul amoureux de la troupe ; peut-être aussi n’espérait-il pas tirer du rôle de Paul de Bréville un grand profit personnel.

M. Éd. Thierry, après des instances inutiles, fit un coup de maître et rafraîchit le teint de M. Delaunay en déterrant, au Théâtre de Bordeaux, un jeune comédien nommé Delessart, élégant, de bonne façon, d’une diction louable, auquel il ne manquait qu’un peu de chaleur et de flamme pour créer, avec toutes les chances de succès, le rôle contre lequel boudait M. Delaunay. La déconfiture du Théâtre de Bordeaux fit libre le jeune artiste au moment même où la Comédie avait besoin de ses services.

La presse, elle aussi, s’était mêlée de l’affaire, et tout le monde était unanime pour rappeler à M. Delaunay que ses minauderies n’avaient pas de raison. Ses grands chefs de file, Baron et Firmin, avaient joué les jeunes premiers jusqu’à soixante ans. Néron, dans Britannicus, n’a-t-il pas vingt ans ? Il a été néanmoins une des dernières et des plus admirables créations de Talma. Au théâtre, l’âge réel de l’acteur n’a qu’une importance secondaire ; les attitudes de la jeunesse, les gestes, la démarche, les variations de la physionomie et les inflexions de la voix, auxquelles M. Delaunay était passé maître, lui avaient créé une jeunesse qui faisait suffisamment illusion sur la scène.

Ces raisonnements à côté de la vraie raison, mais surtout l’arrivée à Paris de M. Delessart, tout prêt à prendre sa place, avaient convaincu M. Delaunay. Il renonça à mettre M. Loyal et les exempts en campagne et abandonna le prétexte qui lui avait fait refuser le rôle.

Les répétitions commencèrent. Mme Arnould-Plessy devait remplir le rôle de Mme Maréchal, rôle plein