Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/137

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vers une salle nerveuse, sont faits pour amener immanquablement des protestations et des sifflets. Mais le comité avait implicitement accepté la scène des masques, comme toutes les autres, en recevant la pièce sans observation et l’orage s’amoncela sans que personne l’eût prévenu.

Cependant on s’intéressait, en haut lieu, au sujet de la pièce, et le 29 novembre, les Goncourt écrivaient sur leur journal : « Thierry nous montre une lettre de Camille Doucet dans laquelle le ministre Rouher et le maréchal Vaillant nous font l’honneur d’avoir cherché, trouvé un dénouement à notre pièce. Rouher veut que la fille soit seulement blessée et qu’il reste l’espérance d’un mariage avec l’amant de sa mère. Le maréchal Vaillant en a trouvé un autre, à peu près du même goût. Heureusement qu’il n’y tient pas, et, comme militaire, il n’est pas trop opposé au coup de pistolet du dénouement. »

Elles sont bien curieuses les observations que les Goncourt, nouveaux dans le métier de metteurs en scène, faisaient de leurs fauteuils, à chaque répétition : « 10 novembre (1865) — Ce qui nous frappe surtout, c’est le long ânonnement que les acteurs mettent à dire. Ils commencent à répéter, à réciter un peu comme des enfants. On sent le besoin qu’ils ont d’être serinés, montés, chauffés. Ils tâtonnent l’intonation, ils manquent le geste. À tout moment ils font des contresens à l’encontre de ce que vous avez écrit. Et comme ils vous semblent longs à entrer dans la peau de votre rôle !

« Il faut excepter pourtant Mme Plessy ; elle seule a l’intelligence véritablement littéraire. Du premier coup elle comprend et elle rend. Elle a eu immédiatement le sentiment des choses observées, des choses vraies