Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

thécaire de la princesse Mathilde. On savait pourtant qu’il était de ses familiers, mais, par hasard, cette amitié ne l’avait pas compromis et il était populaire parmi les jeunes. Son prologue fut donc écouté avec attention, mais il n’obtint grâce que pour lui-même. Le premier acte marcha d’abord sans trop d’interruptions. Le nom du poète, le débit franc de Mlle Ponsin, l’étrangeté du décor et du dialogue avaient dompté, pour un instant, l’humeur batailleuse des champions de la morale et du grand art. Mais tout se gâta quand le Monsieur en habit noir lança à travers la salle : « Abonné de la Revue des Deux Mondes ! » La phalange rassise des vieux habitués de l’orchestre qui avaient connu François Buloz commissaire du Théâtre-français et qui lisaient lentement ses brochures saumon, jugea qu’on l’insultait dans sa maison et passa à l’ennemi. La fin du premier acte fut houleuse. La toile tomba au milieu des sifflets et des bravos. Dans le repos entre le premier et le second acte, les bruits de toute sorte continuèrent. On entendit prononcer, pour la première fois, le nom d’un des meneurs du grabuge, général en chef de la cabale, qui a eu, lui aussi, une gloire éphémère et tapageuse. Au centre d’un groupe compact de jeunes gens armés de clefs forées qui sifflaient à toute vapeur, Pipe-en-bois donnait le signal et, dans différentes parties de la salle, on paraissait obéir à ses contorsions et à ses cris.

Le second acte fut à peine entendu et le baiser qui le termine déchaîna un bruit épouvantable que les protestations qui se produisaient de toutes parts augmentaient encore.

Les acteurs exténués mimèrent le troisième acte. La délicieuse scène d’amour dans laquelle Mme Arnould-Plessy et M. Delaunay déployaient un talent et une