Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/167

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per à l’art des mots, tout est peint avec une précision et un relief volés à un art plastique. Le rendu de la figure n’a de pareil, parmi les grands morceaux descriptifs modernes, que quelques strophes marmoréennes de Émaux et Camées. Mais les Goncourt diffèrent de Théophile Gautier en ce que celui-ci s’arrête à l’extérieur des choses. Eux vont plus loin ; ils les mettent dans leur air et dans leur milieu, éclairent leurs dedans, décrivent l’impression qu’elles donnent, font passer dans l’âme du lecteur le frisson qu’elles procurent. Théophile Gautier devait penser à la description de Manette qu’on va lire quand, malade, cherchant ses idées et ses mots, il traçait péniblement au front d’un exemplaire de Émaux et Camées :

Aux graveurs sur pierre fine de la prose,
Edmond et Jules de Goncourt,
Un maintenant mais toujours double.
Leur ami
Théophile Gautier.

Épithètes lapidaires que méritent bien des artistes qui ont écrit ceci devant un modèle : « Soudain, elle laissa tomber de ses dents desserrées la fine toile qui glissa le long de son corps, fila de ses reins, s’affaissa d’un seul coup au bas d’elle, tomba sur ses pieds, comme une écume. Elle repoussa cela d’un petit coup de pied, le chassa par derrière, ainsi qu’une queue de robe ; puis, après avoir abaissé sur elle-même un regard d’un moment, un regard où il y avait de l’amour, de la caresse, de la victoire, nouant ses deux bras au-dessus de sa tête, portant son corps sur une hanche, elle apparut à Coriolis dans la pose de ce marbre du Louvre qu’on appelle le Génie du