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repos éternel… Sa main droite, posée sur sa tête à demi tournée et un peu penchée, retombait en grappe sur ses cheveux ; sa main gauche, repliée sur son bras droit, un peu au-dessus du poignet, laissait glisser contre lui trois de ses doigts fléchis. Une de ses jambes, croisée par devant, ne posait que sur le bout d’un pied à demi levé, le talon en l’air ; l’autre jambe, droite et le pied à plat, portait l’équilibre de toute l’attitude. Ainsi dressée et appuyée sur elle-même, elle montrait ces belles lignes étirées et remontantes de la femme qui se couronne de ses bras. Et l’on eût cru voir de la lumière la caresser de la tête aux pieds : l’invisible vibration de la vie des contours semblait faire frémir tout le dessin de la femme, répandre, tout autour d’elle, un peu du bord et du jour de son corps. »[1]

C’est cette figure, vue de face, et vue de dos, qu’a transportée dans son art M. Claudius Popelin, l’auteur des deux émaux encastrés par Lortic dans les plats de l’exemplaire de Manette Salomon que renferme la bibliothèque d’Auteuil. La silhouette d’or de la jeune femme champlevée sur l’ovale sombre du fond se profile avec une austère élégance, mélange rare et raffiné, comme tout ce qui sort du fourneau de l’artiste, de l’art grec aminci et gracieusé par Jean Goujon.

En 1867, à une époque où la presse, étroitement muselée quand elle voulait chasser sur la politique, donnait aux événements littéraires une attention qu’elle leur marchande aujourd’hui, l’apparition de Manette Salomon fut à peine signalée par quelques feuilletonistes. Dans la collection des rares articles écrits sur elle, nous ne trouvons guère qu’une étude, importante par sa seule longueur, qui coule sans

  1. Manette Salomon, t. I, p. 261.