Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/172

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M. Alphonse Daudet écrivait ceci dans un article de la Revue de France intitulé : Chez Edmond de Goncourt, et je crois que son sentiment est partagé par la plupart des artistes. Sans intrigue, sans roman, sans rien qui se mette en travers, ce livre est le simple développement d’un état d’âme et de son évolution vers le mysticisme, une espèce de psychologie posée et déduite avec une netteté intellectuelle vraiment philosophique.

Élevée par un père lettré, nourrie de grec et de latin, Mme Gervaisais a tenté laborieusement de s’assimiler, sans que le résultat ait répondu pleinement à l’effort, les traités de métaphysique, la Critique de la Raison pure et les théories des logiciens écossais. Comme presque toutes les femmes, elle a peu de cerveau et beaucoup de nerfs ; elle est, par tempérament, une croyante. Ses opinions antireligieuses ont été mal ancrées. Sceptique et malheureuse, elle a des angoisses douloureuses : elle a besoin d’être apaisée.

Toutes les influences ambiantes semblent dirigées, à Rome, contre l’état de son esprit. Les monuments de l’art antique qu’elle admire, à moitié enfouis sous les décombres, portent au front des inscriptions bavardes, à la gloire des papes. La Rome chrétienne établie sur le champ de bataille où elle a vaincu la Rome antique, a fait avec les substructions des temples païens les piédestaux de ses églises triomphantes. Il ne reste que trois colonnes supportant quelques pierres angulaires d’un fronton pour rappeler, au Forum, la gloire des Dioscures ; trois cent soixante-cinq églises de la foi nouvelle affirment la puissance du Christ et, mieux encore, celle de ses représentants terrestres. À l’époque, déjà lointaine, où Mme Gervaisais venait s’installer devant la vasque du Bernin, place d’Espagne, la