Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Chers amis, je me suis aguerri aux puces en Espagne, aux lits en Allemagne, et préfère les murs blanchis à la chaux aux zincs dorés du Café anglais. Donc je viens, non pas lundi, mais mardi ; non pas à huit heures, mais tout au moins dans la matinée. Je serai chez le père Chevillon avant midi certainement.

Je me fais une fête de vous voir et de causer avec vous, sous les arbres. L’avant-goût de nature que j’ai pris à Ems m’en a donné une soif enragée. Je brouterais comme Nabucho.

À bientôt donc et à vous.
Paul de Saint-Victor.

Jules de Goncourt répondit :

8 août 1863.
Mon cher ami,

Si nous ne vous avons pas écrit, ce n’est pas par oubli, c’est que nous avons longtemps hésité à vous faire venir dans une auberge de village, dans de vraies chambres de paysans, dans des lits à puces, dans une chambre à manger blanchie à la chaux, enfin dans tout ce qu’il y a de plus couleur locale en fait de campagne. Je reçois votre lettre : ma foi, tant pis ! cela me décide ; vous en goûterez…

P. S. Je viens de m’enquérir du barbier. Il y en a positivement un ; mais, vu l’état sauvage du pays, je me figure qu’il doit raser en vous mettant un œuf dur dans la bouche. Il y a aussi de la matelote, ceci est le trait du parthe…

Qu’on lise encore, dans la correspondance de Jules, la lettre qu’il écrivit à P. de Saint-Victor, pour le remercier de l’envoi d’un exemplaire sur hollande de Hommes et Dieux. De tous les articles publiés dans la presse, de toutes les lettres qui furent adressées directement à l’auteur au sujet de son livre — nous avons la collection sous les yeux, — la lettre signée Edmond et Jules de Goncourt est certainement le morceau le plus éloquent.

Nous avons dit ailleurs les cahots de l’amitié des trois amis, le retour ému de Saint-Victor à Edmond, le jour de la mort de Jules ; enfin, après vingt-cinq ans d’une intimité nuageuse, la brouille définitive qui eut pour