Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/253

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comme Balzac, de vastes ensembles, et il n’a pas davantage l’aperception de la personne simple et saine, au fonctionnement normal, aux sensations coordonnées que montrent, avec un art exquis, certains romanciers anglais ou russes. En revanche M. de Goncourt est incomparable dans la vision par le menu, d’une suite de modifications nerveuses ou dans la peinture d’un de ces tourmentés, comme la civilisation moderne en produit trop. S’il morcelle ses récits en petits chapitres courts, c’est pour mieux rendre sensible cette vision ; s’il énerve son style jusqu’à faire se pâmer sa page, c’est pour rendre sensible ce tourment. C’est de la nosographie, objecte-t-on. Mais cette objection ne peut pas être celle du psychologue, qui, semblable en cela au physiologiste, ne fait pas de différence entre la santé et la maladie. C’est au moraliste et à l’esthéticien que le jugement du bien et du mal, du beau et du laid est réservé. Le psychologue se soucie du document et ne se soucie que de cela, et les romans de MM. de Goncourt lui apparaissent comme un incomparable trésor de documents spéciaux sur la vie cérébrale et sensuelle des artistes au dix-neuvième siècle. »[1]

La Faustin fut publiée dans les conditions les plus fâcheuses pour le livre et les plus irritantes pour l’auteur qui avait eu la malencontreuse idée d’accueillir les propositions de MM. Dumont et Laffitte, directeurs du Voltaire. Ils employèrent, pour lancer le roman, les modes de publicité les plus voyants et les plus vulgaires. D’énormes affiches, à lettres de gueules sur champ de sable, furent apposées sur les murs de Paris, des distributeurs harcelants mirent

  1. Parlement, 23 janvier 1882.