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dans les mains des passants, sur les boulevards, un petit carton représentant l’héroïne, en costume tragique, essayant un fleuret dans une salle d’armes. La curiosité des lecteurs fut savamment hameçonnée par les demi-indiscrétions des reporteurs, les noms fort peu voilés des interlocuteurs du souper furent chuchotés à l’oreille. Tout cela préparait au livre un genre de succès que n’a jamais visé M. de Goncourt et dont il se plaignait à M. Daudet, dans une lettre écrite le 29 novembre 1881 :

… J’attends tous les jours avec anxiété ma déshonorante publicité !… Votre lettre, mon cher petit, est triste, triste. Ah ! quel chien de métier ! il y a toujours, même dans le succès, un tas d’embêtements sournois. Moi, je suis encore plus navré que vous et mon navrement est mêlé d’une émotion d’attente nerveuse très désagréable. Ce qui me met dans la bouche quelque chose du goût d’un fruit coupé avec un couteau d’acier.

Mes amitiés de cœur au ménage,
Edmond de Goncourt.

De tous les livres d’Edmond de Goncourt celui-ci fut le plus lu et le plus contesté. Il se leva autour de lui, même du fond de la Suède et du Portugal, une nuée inattendue d’articles. La Faustin devint le tremplin d’une lutte littéraire dont nous conservons soigneusement les traces. Elles remplissent presque un gros volume ; mais on y répandit — comme toujours — beaucoup plus d’encre que d’idées.

On a lu plus haut un court extrait de l’article que lui consacra M. Paul Bourget dans le Parlement. M. A. Daudet dans le Réveil, M. Guy de Maupassant dans le Gaulois, M. Barbey d’Aurevilly dans le Constitutionnel attaquèrent ou défendirent l’ouvrage, suivant leurs goûts ou leurs antipathies littéraires.