Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/289

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soit conservée la main-d’œuvre des choses exquises façonnées par les artisans du seizième siècle… Les grands charmeurs que les Trautz-Bauzonnet, les Capé, les Lortic, les Duru, les Marius !… Mes reliures d’affection sont des reliures de Capé et de Lortic. Le vieux Capé était inimitable pour la résurrection des reliures riches du dix-huitième siècle et de leurs arabesques fleuries… Mais, pour moi, quand il est dans ses bons jours, Lortic, sans conteste, est le premier des relieurs. C’est le roi de la reliure janséniste, de cette reliure toute nue, où nulle dorure ne distrait l’œil d’une imperfection, d’une bavochure, d’un filet maladroitement poussé, d’une arête mousse, d’un nerf balourd, — de cette reliure où se reconnaît l’habileté d’un relieur ainsi que l’habileté d’un potier dans une porcelaine blanche non décorée. Nul relieur n’a, comme lui, l’art d’écraser une peau et de faire de sa surface polie, la glace fauve qu’il obtient dans le brun d’un maroquin La Vallière ; nul, comme lui, n’a le secret de ces petits nerfs aigus qu’il détache sur le dos minuscule des mignonnes et suprêmement élégantes plaquettes que lui seul a faites. »[1]

Enthousiasme bien légitime qui, quelques années avant l’époque de ce morceau, avait fait adresser le billet que voici à M. Philippe Burty. Il s’agit — cela va de soi — d’un artiste qui n’avait pas la haute notoriété de feu Lortic :

Mardi, 30 janvier 1872.
Cher ami,

… J’ai fait la découverte du roi des cartonneurs. C’est le rare ouvrier qui a la passion de son art, et que la faveur qu’on lui accorde de mettre un cuir japonais sur un

  1. La Maison d’un artiste, t. I, p. 346.