Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/299

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Le Grenier est donc surtout une réunion d’espérances où il est vraisemblable que se recrutera plus tard l’Académie de Goncourt.

Car une indiscrétion révélait au public, en 1882, que M. Edmond de Goncourt, conformément au projet arrêté avec son frère, avait, par disposition testamentaire en due forme, institué une académie littéraire[1]. Elle devait se composer de dix écrivains dont il voulait assurer l’indépendance. Ils étaient désignés, une première fois, par lui, devaient, à chaque extinction, se recruter eux-mêmes dans la suite, et recevoir une pension annuelle de six mille francs. Le prix des collections, la fortune personnelle des deux frères, le profit à tirer de leurs œuvres serviraient à doter cette institution et, comme le produit, à la date de l’ouverture du testament, ne serait sans doute pas suffisant, les intérêts des sommes recueillies devraient être capitalisés pendant quatorze ans, à partir de la mort du testateur.

Nous n’avons aucune donnée certaine sur ces dispositions qui sont peut-être déjà modifiées dans la forme, mais la divulgation de ce projet souleva, dans la presse, un grand mouvement d’opinion en sens divers. Les noms des écrivains qu’on assurait devoir en être : Th. Gautier, Flaubert, Veuillot, Vallès, Paul de Saint-Victor, MM. Barbey d’Aurevilly, Zola, A. Daudet, Th. de Banville marquaient pourtant que le choix avait été fait sans prévention et que le testateur n’avait pas eu d’autre but que d’honorer les lettres, en dehors de toute préoccupation d’école et de moyens. En effet, Th. Gau-

  1. Dans la pensée des deux frères, il s’agissait non pas de créer une académie, mais simplement de donner la vie matérielle à des hommes de lettres qui pourraient ainsi ne faire que de l’art. Un article formel excluait les grands seigneurs et les hommes politiques. Le mot académie qui s’impose aujourd’hui est donc tout à fait impropre et faux.