Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/303

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nerfs et apaisait son esprit dans des conversations de son goût. Lui qui était homme d’habitudes, qui eût aimé, comme l’aimait son siècle, les réunions journalières, à heures fixes, qui ont donné à la société polie du temps de Mme du Deffand, de Chamfort et du prince de Ligne, une physionomie si spéciale, il apprit le chemin de cette maison aimée, il lui consacra ses jeudis, il contracta doucement l’habitude d’envoyer à ses amis les bulletins de l’état de son esprit et de sa santé. Ces lettres, soigneusement conservées et qui se suivent à d’assez courts intervalles, forment un document intime, le dessous des Mémoires de la vie littéraire dont elles compléteront plusieurs années jusqu’au temps de leur publication intégrale :

29 décembre 1874.
Cher ami,

C’est un miracle que votre lettre ait la réponse d’un vivant, car l’habitant d’Auteuil a été pris, au sortir du dîner de Flaubert, d’une fluxion de poitrine qui a été un mélange de tout ce qu’on fait de mieux en fait de fièvre, de transports et perte de tramontane. Enfin on me dit sauvé. Cela me fait plaisir, mais je suis tout de même un peu effrayé de ma faiblesse.

Non, il n’y a pas d’Idées et Sensations, mais en voici un. Du moment que c’est Madame Daudet qui paye, on en ferait, au besoin, un pour elle.

Tout au ménage charmant,
Edmond de Goncourt.

Il n’est pas inutile de rappeler ici, pour faire comprendre les lettres suivantes, que M. Ernest Daudet, frère du romancier, a été, pendant quelques années, le directeur du Journal officiel. Mme Alphonse Daudet, sous le pseudonyme de Karl Stenn, s’y était essayée à des articles de critique littéraire dont on avait remarqué, dès l’abord, la délicatesse et la nouveauté. M. Jules Lemaître, dans la Revue bleue, a fait de ces études le