Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/304

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sujet d’observations très fines qu’il résume ainsi : « Un art maladif et un corps sain, un style quelque peu déséquilibré et une âme en équilibre, tel est le double attrait de ce journal qui fait rêver d’une toute moderne Pénélope impressionniste. »

On rencontre, dans les articles de Mme Daudet, de jolis passages, comme ceux-ci : « C’est bien dans la vie réelle que MM. de Goncourt ont pris l’inspiration de leurs romans, c’est-à-dire le type ou l’action qui domine chacun d’eux ; et, de même qu’un curieux d’histoire naturelle, découvrant une plante parfaite et non classée, ne se contente pas de la cueillir, mais emporte, autour d’elle, une bonne portion du terrain où elle croît, avec ses mousses, ses germes, ses insectes, tout un morceau de forêt pour un brin d’herbe, de même les romanciers enlèvent, autour de leurs héros, toute une masse solide et composite qui contient leurs origines et explique leurs développements… Au-dessus de ce que le hasard a pu leur fournir, des effets pittoresques dépeints et reconnaissables, flotte une poésie qui est particulière à ces écrivains, poésie de l’arrangement et des mots, où le détail vulgaire, par sa netteté, sa place prise, devient souvent le trait vif, un pur triomphe d’art. Et ce n’est rien. Prenons Germinie Lacerteux, avançons dans cette ombre où se débat désespérément ce qui reste de la femme dans une créature tombée ; révoltons-nous à chaque page, suivons les romanciers en essayant de fermer nos yeux et de boucher nos oreilles partout où ils nous entraînent avec eux, et, le livre fermé, nous serons surpris de n’éprouver qu’une immense pitié, de n’avoir gardé de l’horreur du gouffre que le sentiment de sa profondeur si superbement découverte. Et pourtant les auteurs ont été implacables ; ils ne nous ont fait grâce d’aucun dé-