M. Edmond de Goncourt à Mme A. Daudet :
Malade ! au lit ! Qu’est-ce que vous m’annoncez là ! Ce ne sont que des petites bêtises ? Il n’y a rien qui puisse, je ne dis pas inquiéter, mais chiffonner vos amis ? — Moi, ça va beaucoup mieux, admirablement mieux. Je crains bien que, quand je suis un peu souffrant chez les autres, la peur nerveuse de le devenir un peu plus, ne me rende tout à fait malade. Du reste, le traitement que je suis chez moi n’est pas bien dur : c’est d’avoir absolument renoncé au vin rouge et de boire du vin blanc.
Or donc, la filleule commence à devenir un être. Elle est en train de se faire d’immenses yeux et d’abondants cheveux. Je plaisante, mais vous savez que c’est pour faire le blagueur, car je suis tout à fait heureux, au fond du cœur, de me trouver, par la jolie enfant qu’elle sera, un peu apparenté à vous et à Alphonse, les deux êtres que j’aime le plus maintenant sur la terre.
Ah ! ça vous plaît, ça vous amuse, mon Journal. C’est gentil de me l’avoir écrit ; mais, vraiment, ils en donnent bien peu et de manière à ôter toute valeur à la copie[2]. Et j’aurais besoin qu’ils marchent.
Je suis en train d’arranger l’année 1862, et je le déclare, c’est vraiment curieux. Il y a une première visite à Gautier, une première visite à Madame Sand, un dîner de Sainte-Beuve chez Gavarni, etc., etc. Je ne sache pas qu’on ait fait encore, en littérature, des croquis des gens si accentués en leur ressemblance morale et physique. Et, au train où ça va, ça ne