Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/337

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de travail explique les accumulations d’épithètes, les traits rapportés et rapprochés que Sainte-Beuve n’approuvait pas, ni Xavier Doudan. Mais, de là aussi le nourri de la période, la solidité, les muscles des dessous qui se développent et évoluent librement sous la gymnastique du style.

Le reste du livre se faisait un peu au hasard de l’inspiration, sans ordre préconçu, jusqu’au moment où tous les fils couvraient la trame, où l’heure était venue de la revision définitive.

Les deux frères prirent bien vite l’habitude d’écrire la copie de leurs livres sur des pages grand in-quarto de papier Bull. Son ton jaunâtre ne produit pas, autant que le papier blanc, la fatigue des yeux. Ils pliaient chaque feuillet en hauteur, par moitié. La partie droite se recouvrait d’écriture ; la gauche était réservée aux changements et aux additions.

Les manuscrits antérieurs à Madame Gervaisais n’ont pas été conservés. Celui-ci, le seul qui reste de la main de Jules, a été donné à M. Philippe Burty. Les surcharges d’Edmond serpentent dans les lignes de Jules. Parfois les deux écritures se confondent, comme étaient confondus les esprits et les cœurs des deux frères.

Il va de soi que la disparition du plus jeune changea, du tout au tout, les conditions de travail du frère survivant. On a vu qu’il fut longtemps à secouer sa torpeur. Quand il reprit sa tâche, ses facultés inventives n’avaient plus le pétillement de la jeunesse, et, sous l’impression d’un sentiment mélancolique, il écrivait ces lignes inédites, à propos de la Faustin :

Mercredi, 1er juin 1881. — Oh ! la difficulté de la composition maintenant ! Il me faut maintenant douze heures de travail pour en avoir trois de bonnes. D’abord une matinée pa-