Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/341

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vulgaire, l’art qui l’a mis en œuvre apparaît plus clairement, avec toute sa puissance et son éclat. L’exagération de ce principe amènera plus tard des paroxistes à ne traiter de parti pris que des sujets bas et communs, Les Goncourt n’ont jamais été exclusifs ; ils affirment, au contraire, que tout appartient à l’art.

Ils transportaient systématiquement aussi, dans leur style, les procédés de la peinture et arrivaient, par des artifices de langage, à prolonger la durée de l’action exprimée par le verbe et à l’immobiliser devant les yeux du lecteur. L’imparfait, employé presque exclusivement dans les descriptions, leur servait à retenir l’illusion des choses, alors que le parfait narratif donne une impression fugitive qui disparaît avec le mot qui l’évoque.

Il est vraisemblable que les préoccupations humanitaires n’avaient, dans leurs esprits, qu’une importance très secondaire, bien que, dans la préface de Germinie Lacerteux on croit saisir un reflet du socialisme de 1848 : « Vivant au dix-neuvième siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle les basses classes n’avaient pas droit au roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit littéraire et des dédains d’auteurs qui ont fait le silence sur l’âme et le cœur qu’il peut avoir… Ces pensées nous avaient fait oser l’humble roman de Sœur Philomène en 1861 : elles nous font publier aujourd’hui Germinie Lacerteux.

« Maintenant que ce livre soit calomnié ; peu lui importe. Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la recherche