Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/39

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déjà fermés, et où la porte seule, encore entre-bâillée, mettait une filtrée de jour parmi les ténèbres des amoncellements de choses précieuses. Alors c’était, dans la demi-nuit de ce chaos vague et poussiéreux, un farfouillement des trois femmes lumineuses, un farfouillement hâtif et inquiet, faisant le bruit de souris trotte-menu dans un tas de décombres, et des allongements, en des recoins d’ombre, de mains gantées de frais, un peu peureuses de salir leurs gants, et de coquets ramènements du bout des pieds chaussés de prunelle, puis des poussées, à petits coups, en pleine lumière, de morceaux de bronze doré ou de bois sculpté, entassés à terre, contre les murs… Et toujours, au bout de la battue, quelque trouvaille heureuse… Ce sont certainement ces vieux dimanches qui ont fait de moi le bibeloteur que j’ai été, que je suis, que je serai toute ma vie. »[1]

Edmond grandissant entrait enfin dans la classe du bon M. Caboche, « cet excentrique professeur de troisième du lycée Henri IV qui donnait aux échappés de Villemeureux à faire, en thème latin, le portrait de la duchesse de Bourgogne, de Saint-Simon, cet intelligent, ce délicat, ce bénédictin un peu amer et sourieusement ironique, ce profil original d’universitaire, resté, dans le fond de ses sympathies, comme un des premiers éveilleurs chez lui de la compréhension du beau style, de la belle langue française mouvementée et colorée, ce Caboche qui, un jour, à propos de je ne sais quel devoir, lui jeta cette curieuse prédiction : “Vous, monsieur de Goncourt, vous ferez du scandale !” »[2]

Les premières années de Jules, précoces et char-

  1. La Maison d’un artiste, t. I, p. 355.
  2. Journal, t. I, p. 214.