Page:Depasse - Henri Martin, 1883.djvu/7

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reux de célébrer la mémoire du grand Carnot et de contempler sa statue érigée sur la place de sa ville natale. Au milieu de ce peuple de patriotes un homme se leva : sa figure était austère et quelque peu rude en apparence, avec sa barbe et ses cheveux blancs ébouriffés, son geste sans apprêt, irrégulier et brusque, sa parole ardente et simple. Il était tout à fait bien dans ce cadre champêtre : jamais il n’avait été appelé à parler sur un théâtre qui convînt mieux à sa nature, devant un auditoire mieux fait pour battre à l’unisson avec lui, sur un sujet enfin qui fût plus en harmonie avec son éloquence et avec son cœur de patriote.

Les hommes, les femmes, les enfants étaient là tout autour, bouche béante, devant lui et à ses pieds. Son grand bras, soulignant par saccades ses paroles, planait du haut de l’estrade sur la tête des paysans qui se répétaient son nom. On eût dit une sorte d’apparition antique, avec son air sculptural, qui se dressait devant la statue et causait de pair à pair avec elle.

« Qu’il soit, disait-il, permis au vieil historien qui a passé sa vie à étudier, à remettre en mémoire les gloires de la France, qu’il lui soit permis d’exprimer sa joie de voir cette journée