Page:Desbordes-Valmore - Œuvres complètes, tome 1, Boulland, 1830.djvu/380

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J’ai vu paraître une ombre,
Autrefois mon idole, aujourd’hui mon effroi :
Cette ombre était la sienne, elle avançait vers moi.
« Te voilà donc ! lui dis-je, on m’a désespérée :
Mon âme était si tendre ! elle s’est égarée.
On t’a nommé trompeur, et je t’ai cru trompeur :
Tu ne les démens pas ! tu ris... parle, j’ai peur.
Tous ont fui, tous vont voir je ne sais quelle fête :
Moi je mourais... mais parle, et mon âme s’arrête. »

L’ombre alors me repousse et m’entraîne à la fois.
Oubliant ma faiblesse et ma fièvre brûlante,
Partout pour la saisir j’étends ma main tremblante :
Tout est lui, tout m’appelle, et tout a pris sa voix.
J’ai couru, j’ai suivi des sentiers que j’ignore ;
Demi-nue, insensible au souffle de l’hiver,
J’obéissais, mourante, à ce guide si cher :
Il ne m’appelait plus, j’obéissais encore.