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IDYLLES

LA JOURNÉE PERDUE.


Me voici… je respire à peine !
Une feuille m’intimidait ;
Le bruit du ruisseau m’alarmait ;
Je te vois ! je n’ai plus d’haleine.
Attends… je croyais aujourd’hui
Ne pouvoir respirer auprès de ce que j’aime.
Je me sentais mourir, en ce tourment extrême,
 De ta peine et de mon ennui.
Quoi ! je cherche ta main, et tu n’oses sourire !
Ton regard me pénètre, et semble m’accuser !
Je te pardonne, ingrat, tout ce qu’il semble dire ;
Mais laisse-moi du moins le temps de m’excuser.

J’ai vu nos moissonneurs réunis sous l’ombrage ;
Ils chantaient. Mais pas un ne dit bien ta chanson.
Ma mère, lasse enfin de veiller la moisson,
Dormait. Je voyais tout, les yeux sur mon ouvrage.
Alors, en retenant le souffle de mon cœur
 Qui battait sous ma collerette,
Je fuyais dans les blés ainsi qu’une fauvette,
 Quand on l’appelle, ou qu’elle a peur.