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ROMANCES.


L’ÉTRANGÈRE.

Ah ! que le monde est difficile !
Hélas ! il n’est pas fait pour moi.
Ma sœur, en ton obscur asile,
J’étais plus heureuse avec toi.
On m’appelle ici l’étrangère ;
C’est le nom de qui n’a point d’or.
Si je ris, je suis trop légère ;
Si je rêve… on en parle encor.

Si je mêle à ma chevelure
La fleur que j’aimais dans nos bois,
Je suis, dit-on, dans ma parure,
Timide et coquette à la fois ;
Puis-je ne pas la trouver belle ?
Le printemps en a fait mon bien ;
Pour me parer je n’avais qu’elle ;
On l’effeuille, et je n’ai plus rien.

Je sors de cet âge paisible
Où l’on joue avec le malheur.
Je m’éveille, je suis sensible,
Et je l’apprends par la douleur.