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POÉSIES

» Elle approuve, elle ordonne, elle accroît mes douleurs,
» Et c’est un crime à toi de la dire éclipsée.
» Qui donc était sa mère ?… Oh ! c’est moi, c’est bien moi !
» Ces pleurs… ce sont mes pleurs qui tombent devant toi ;
» Peux-tu les démentir ? Sur mon front sans parure,
» Comme un saule mourant qui traîne sa verdure,
» Vois mes cheveux épars… Sous ce voile de deuil
» C’est la mère d’Arthur qui se traîne au cercueil.
» Suis-je insensée ? Oh bien, à ce nom qu’on lui donne,
» C’est la mère d’Arthur qui meurt et qui pardonne ;
» Et si tu n’es ému, si ton cœur est glacé,
» Va, c’est toi qu’il faut plaindre et nommer insensé !
» Et vous qui me disiez, dans vos leçons pieuses,
» Qu’au delà du tombeau Dieu nous rend nos amis,
» Ma mère, ouvrez les cieux, vos mains religieuses
» Vont recevoir mon fils ; c’est un ange soumis !
» Et moi, j’irai bientôt… Mais si l’affreuse envie
» Veut le faire périr,
» Souffrant, décoloré, détruit, il va mourir,
» Je méconnaîtrai donc mon sang, ma propre vie !
» Arrachez-moi le cœur ou cet horrible effroi ;
» Vous tous qui m’écoutez, sauvez-le, sauvez-moi !
» Ôtez-moi ces bandeaux qui pèsent sur ma tête,
» Je veux m’enfuir… Laissez… que pas on ne m’arrête,
» Laissez-moi l’appeler, n’étouffez pas mes cris :
» Mon Arthur ! mon enfant ! mon univers ! mon fils !… »