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IDYLLES


LA NUIT.


Viens ; le jour va s’éteindre ; il s’efface, et je pleure.
N’as-tu pas entendu ma voix ? Écoute l’heure,
C’est ma voix qui te nomme et t’accuse tout bas ;
C’est l’Amour qui t’appelle, et tu ne l’entends pas !
Mon courage se meurt. Toute à ta chère idée,
D’elle, de toi toujours tendrement obsédée,
Pour ton ombre j’ai pris l’ombre d’un voyageur,
Et c’était un vieillard riant de ma rougeur.

Eh quoi ! le jour s’éteint ; n’est-ce pas un nuage,
Un vain semblant du soir, un fugitif orage ?
Que je voudrais le croire ! Hélas ! un si beau jour
Ne devrait pas mourir sans consoler l’Amour.
Viens ! ce voile jaloux ne doit pas te surprendre.
Dans les cieux à son gré laisse-le se répandre ;
Ne va pas comme moi le prendre pour la nuit !
Quand son obscurité m’importune et me nuit,
Si le soleil plus pur allait paraître encore !
Si j’allais avec lui revoir ce que j’adore !
Si je pouvais du moins, en lui livrant ces fleurs,
Me cacher dans son sein, et rougir de mes pleurs !