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IDYLLES

Il me dirait : « Je viens, j’accours, ma bien-aimée !
» Ce nuage qui fuit t’aurait-il alarmée ?
» La nuit est loin, regarde ! » Et je verrais ses yeux
Rendre la vie aux miens, et la lumière aux cieux.

Non ! le jour est fini. Ce calme inaltérable,
L’oiseau silencieux fatigué de bonheur,
Le chant vague et lointain du jeune moissonneur,
Tout m’invite au repos… tout m’insulte et m’accable.

Un seul et doux objet me plaint dans ce séjour ;
Il a subi mon sort : c’est la pâle anémone.
Sous le vent qui l’effeuille, elle tombe ; et ce jour,
Pour nous brûler ensemble, en orna ma couronne.

Mais adieu tout ; adieu, toi qui ne m’entends pas.
Toi qui m’as retenu la moitié de mon être,
Qui n’as pu m’oublier, qui vas venir, peut-être,
Tu trouveras au moins la trace de mes pas,
Si tu viens ! Adieu, bois où l’ombre est si brûlante ;
Nuit plus brûlante encor, nuit sans pavots pour moi,
Tu règnes donc enfin ! Oui, c’est toi, c’est bien toi !
Quand me rendras-tu l’aube ? Oh ! que la nuit est lente !
Hélas ! si du soleil tu balances le cours,
Tu vas donc ressembler au plus long de mes jours !