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IDYLLES

 
»L’ombre m’enveloppa : le reste, je l’ignore :
» On me trouva plongée en un profond sommeil ;
» Hélas ! dans ce sommeil on pleure, on aime encore,
» Il en est un, dit-on, sans amour, sans réveil !
» Depuis ce jour de fête on n’a pas vu ma mère ;
» Au sentier, chaque soir, elle appelle mon père ;
Mais, quand je veux savoir s’il l’a vue en chemin,
» Il soupire et me dit : Je la verrai demain !
» Voilà, petit berger, la cause de mes larmes.
» À mon père attristé je cache mes alarmes ;
» Pour lui plaire, souvent je me pare de fleurs ;
» Et j’apprends à sourire, en retenant mes pleurs.

Son père l’écoutait à travers la fenêtre ;
Je le pris pour le mien, en le voyant paraître ;
D’un air triste et content il sourit à Philis,
Et depuis ce moment il m’appela son fils.
L’agneau sautait près d’elle et broutait sa couronne ;
Hors de moi, je saisis ce précieux larcin :
En tremblant de plaisir, je le mis dans mon sein.
« Si mon agneau te plaît, prends-le, je te le donne,
» Dis-je alors à Philis. Chaque jour, chaque soir,
» Si ton père y consent, je reviendrai le voir.
» Il semble qu’il demande et choisit sa maîtresse ;
» Comme il me caressait, je vois qu’il te caresse.