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IDYLLES

»Ou quelque méchant pâtre, en grossissant sa voix,
»Ose-t-il t’empêcher de courir dans le bois ?
» Je voudrais… je voudrais savoir comme on t’appelle ?
» Moi, je suis Olivier. — Je suis Philis, dit-elle.
» Je n’ai vu qu’un agneau qu’appelait un enfant,
» Et je n’ai pas eu peur à la voix d’un méchant.
» Mais, en cueillant des fleurs pour couronner ma tête,
» Je disais : Ce fut donc encore un jour de fête,
» Puisqu’on m’avait parée avec de blancs atours,
Que ma mère en priant s’endormit pour toujours.
» Elle avait demandé le pasteur du village :
» Le pasteur avait dit : Espérance et courage !
» Il bénit son sommeil ; et, pleurant avec nous,
» Parlait bas à mon père immobile à genoux.
» Les bergers pour la voir entouraient la chaumière.
» Son nom, qu’ils aimaient tous, unissait leur prière.
» Sous le même rideau je voulus me cacher.
» Mon père, en gémissant, put seul m’en détacher.
» Vers le soir, dans son lit un ange vint la prendre ;
» Il emporta ma mère, et je la vis descendre
» À travers le sentier qu’éclairaient deux flambeaux :
» On chantait, mais ce chant m’arrachait des sanglots.
» Je lui tendais les bras, du haut de la montagne,
» Quand je vis des hiboux voler dans la campagne :
» Je n’osai plus crier : ma voix me faisait peur ;
» Son nom, qui m’étouffait, s’enferma dans mon cœur.