Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/291

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1,486.487. CCXXVI. — Mi-Janvier 1641. 279

me vouloient defFendre la triftefle, Firritoient, au lieu que i'eftois foulage par la complaifance de ceux que ie voyois touchez de mon déplaifir. Ainfi ie m'alTure que vous me foufFrirez mieux, û ie ne m'opofe point à 5 vos larmes, que fi i'entreprenois de vous détourner d'vn reffentiment que ie croy iufte. Mais il doit neant- moins y auoir quelque mefure ; & comme ce feroit eftre barbare [que de ne fe point affliger du tout, lors qu'on en a du fujet,auffiferoit-ce eflre trop lai'che des'aban-

lo donner entièrement au déplaifir ; & ce feroit faire fort mal fon conte, que de ne tafcher pas, de tout fon pou- uoir, àfe déliurer d'vne paflion fi incommode. Lapro- feffion des armes, en laquelle vous eiles nourry, acou- tume les hommes à voir mourir inopinément leurs

i5 meilleurs amis; & il n'y a rien au monde de fi fâ- cheux, que l'acoutumance ne le rende fuportable. Il y a, ce me femble, beaucoup de raport entre la perte d'vne main & d'vn frère; vous auez cy-deuant foufert la première*, fans que i'aye iamais remarqué que

20 vous en fufliez affligé ; pourquoy le feriez vous da- uantage de la féconde ? Si c'eft pour voftre propre in- tereft, il efl certain que vous la pouuez mieux reparer que l'autre, en ce que l'acquifition d'vn fidèle amy peut autant valoir que l'amitié d'vn bon frère. Et fi

25 c'efl; pour l'interefl; de celuy que vous regrettez, comme fans doute vofl:re generofité ne vous permet pas d'efi:re touché d'autre chofe, vous fçauez qu'il n'y a aucune raifonny religion, qui fafi^e craindre du mal, après cette vie, à ceux qui ont vefcu en gens d'hon-

3o neur, mais qu'au contraire l'vne & l'autre leur promet des joyes & des recompenfes. Enfin, Monfieur, toutes

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