CDXXXI. — 2f Avril 1646. 405
paffions, n'efl pas dé me/me en tous les tempéraments : & le mien fait que la trifieffe m'emporte touiours l'ap- pétit, quoy quelle ne foit mejlée d'aucune haine, me venant feulement de la mort de quelque ami. 5 Lorfque vous parle^ des Jignes extérieurs de ces paf- fions, vous dites que l'admiration, iointe a la ioye, fait enfler le poumon a diuerfes fecouffes, pour caufer le rire. A quoy ie vous fupplie d'aiouter de quelle fajfon l'admi- ration (qui, félon voflre dejcription, femble n'opérer que
10 fur le cerueau) peut ouurir fi promtement les orifices du cœur, pour faire cet effet.
Ces pajfwns, que vous note^ pour caufe des foupirs. ne femblent pas touiours l'eflre, puifque la coutume & la repletion de l'eflomac les produifent auffi.
i5 Mais ie trouue encore moins de difficulté a entendre tout ce que vous dites des pafjions, qu'a pratiquer les re- mèdes que vous ordonner^ contre leurs excès. Car com- ment preuoir tous les accidents qui peuuent furuenir en la vie, qu'il eft impofjible de nombrer? Et comment nous
20 empejcher de defirer auec ardeur les chofes qui tendent neceffairement a la conferuation de l'homme (comme la fanté & les moyens pour viure), qui neantmoins ne dé- pendent point defon arbitre? Pour la connoijfance de la vérité, le dejir en efl fi iufie, qu'il ejl naturellement en
2 5 tous les hommes; mais il faudroit auoir vne connoijfance infinie, pour fauoir la iujle valeur des biens & des maux qui ont coutume de nous emouuoir, puijqu'il y en a beau- coup plus quvne feule perfonne ne fauroit imaginer, & qu'il faudra, pour cela, parfaitement connoiflre toutes
3o les chofes qui font au monde.
Puifque vous m'auer L défia dit les principales, touchant
�� �