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��432-433. Sixièmes Réponses. 23 j

feront iamais, n'y ayant aucune idée qui reprelente le bien ou le vray, ce qu'il faut croire, ce qu'il faut faire, ou ce qu'il faut ob- mettre, qu'on puilTe feindre auoir elle Tobjet de l'entendement diuin, auant que ia nature ait erté coniUtuée telle par la détermina- tion de fa volonté. Et ie ne parle pas icy d'vne (impie priorité de temps, mais bien dauantage ie dis qu'il a elle impoffible qu'vne telle idée ait précédé la détermination de la volonté de Dieu par vne priorité d'ordre, ou de nature, ou de raifon raifonnée, ainfi qu'on la nomme dans l'Efcole, en forte que cette idée du bien ait porté Dieu à élire l'vn plutoll que l'autre. Par exemple, ce n'elt pas pour auoir vcu qu'il elloit meilleur que le monde fuft créé dans le temps que dés l'éternité, qu'il a voulu le créer dans le temps; & il n'a pas voulu que les trois angles d'vn triangle fuffent égaux à deux droits, parce qu'il a connu que cela ne fe pouuoit faire autrement, &c. Mais, au contraire, parce qu'il a voulu créer le monde dans le temps, pour cela il eft ainfi meilleur que s'il euft efté créé dés l'eiernité; & d'autant qu'il a voulu que les trois angles d'vn triangle fuffent neceffairement égaux à deux droits, il eft maintenant vray que cela | eft ainfi, & il ne peut pas eilre autrement, & ainli de toutes les autres choies. Et cela n'empefche pas qu'on ne puiffe dire que les mérites des Saints font la caufe de leur béatitude éternelle ; car ils n'en font pas tellement la caufe qu'ils déterminent Dieu à ne rien vouloir, mais ils font feulement la caufe d'vn eifet, dont Dieu a voulu de toute éternité qu'ils fuffent la caufe. Et ainfi vne entière indifférence en Dieu eft vne preuue très-grande de fa toute-puiffance. Mais il n'en eil pas ainfi de l'homme, lequel trouuant des-ja la na- ture de la bonté & de la vérité eftablie & déterminée de Dieu, & fa volonté eftant telle qu'elle ne fe peut naturelleinent porter que vers ce qui eft bon, il eft manifefte qu'il embralfe d'autant plus volon- tiers, & par confequent d'autant plus librement, le bon & le vray, qu'il les connoift plus euidemment; & que iamais il n'eft indiffè- rent que lorfqu'il ignore ce qui eft de mieux ou | de plus véritable, ou du moins lorfque cela ne lui paroift pas fi clairement qu'il n'en puiffe aucunement douter. Et ainfi l'indifférence qui conuient à la liberté de l'homme, eft fort différente de celle qui conuient à la liberté de Dieu. Et il ne fert icy de rien d'alléguer que les effences deschofes font indiuifibles; car, premiereinent, il n'y en a pomt qui puiffe conuenir d'vne mefme façon à Dieu & à la créature; & enfin l'indifférence n'eft point de l'elfence de la liberté humaine, veu que nous ne fommes pas feulement libres, quand l'ignorance du bien & du vray | nous rend indifferens, mais principalement auffi lorfque 373

Œuvres. IV. 3o

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