Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

40 Œuvres de Descartes

��35. Qu'elle a plus d'ejienduë que luy, & que de là viennent nos erreurs.

De plus, l'entendement ne s'eftend qu'à ce peu d'objets qui fe prefentent à luy, & fa connoilTance eft touf-jours fort limitée : au lieu que la volonté en quelque fens peut fembler infinie, pource que nous n'apperceuons rien qui puiffe eftre l'objet de quelque autre volonté, mefmes de cette immenfe qui ert en Dieu, à quoy la noltre ne puilfe auffi s'eftendre : ce qui eft caufe que nous la por- tons ordinairement au delà de ce que nous connoiffons clairement & dijtinâement. Et lors que nous en abufons de la forte, ce n'eft pas merueille s'il nous arriue de nous méprendre.

36. Le/quelles ne peuuent ejlre imputées à Dieu.

Or, quoy que Dieu ne nous ait pas donné vn entendement tout connoiffant, nous ne deuons pas croire pour cela qu'il foit l'Au- theur de nos erreurs, pource que tout entendement créé eft finy, & qu'il eft de la nature de l'entendement finy de n'eftre pas tout connoiffant.

3j. Que la principale per/eâion de l'homme eft d'auoir vn libre arbitre, & que c'eft ce qui le rend digne de louange ou de blafme.

Au contraire, la volonté eftant de fa nature tres-eftenduë, ce nous 25 eft vn auantage très-grand de | pouuoir agir par fon moyen, c'eft à dire librement; en forte que nous foyons tellement les mailtres de nos adions, que nous fommes dignes de louange lors que nous les condui/oiis bien. Car, tout ainfi qu'on ne donne point aux machines qu'on voit fe mouuoir en plufieurs façons diuerfes, auffi juftement qu'on fçauroit defirer, des louanges qui Je rapportent véritablement à elles, pource que ces machines ne reprefentent aucune action qu'elles ne doiuent faire par le mofen de leurs rejjorts, & qu'on en donne à l'ouurier qui les a faites, pource qu'il a eu le pouuoir & la volonté de les compofer auec tant d'artifice : de mefme, on doit nous attribuer quelque chofe de plus, de ce que nous choififfons ce qui eft vray, lors que nous le diftinguons d'auec le faux, par vne détermination de noftre volonté, que fi nous y eftions déterminez & contraints par vn principe étranger.

�� �