Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/350

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et au moins les secondes et les troisièmes objections. Elles sont significatives. Elles révèlent nettement une préoccupation ontologique, qui n’apparaissait pas aussi bien d’abord : et ceci, semble-t-il, afin de donner pleine satisfaction aux théologiens.

D’autre part, cependant, le titre général avait peut-être l’inconvénient de dissimuler l’objet réel de cette métaphysique, lequel était d’assurer les fondements de la physique[1]. L’esprit de Descartes n’avait-il point, nous l’avons vu, une orientation nettement scientifique, et non pas théologique ? Lui-même en fera l’aveu, après de longues réticences, au P. Dinet, dans la lettre qu’il ajoute en mars ou avril 1642 à la seconde édition : ces six Méditations contiennent, dit-il, tous les principes de la philosophie (entendez la physique) que je prépare, in paucis illis Meditationibus principia omnia Philosophiæ quam paro continentur[2]. Mais déjà, pour un lecteur averti, l’examen des titres particuliers et de l’ordre dans lequel ils se succèdent, était singulièrement révélateur. Il n’était question de Dieu que dans la troisième et la cinquième Méditation, et de l’âme dans la seconde seulement. On s’y serait trompé même, et Descartes fut obligé de dire, à maintes reprises, que, pour l’âme, la seconde Méditation a besoin d’être complétée par la sixième : celle-ci seule donne l’explication définitive[3]. De là le sous-titre qu’il y ajoute, « de la distinction réelle entre l’âme et le corps » ; mais le titre primitif, le seul qui comptait d’abord, était simplement « de l’existence des choses matérielles ». Et la dernière Méditation répond ainsi à la première : le cycle se referme, et la fin rejoint le commencement. Quel est, en effet, le but de la première Méditation ? Mettre en doute l’existence des choses matérielles. Et le but de la dernière ? Rétablir l’existence de ces mêmes choses matérielles. Le monde physique est le point de départ de cette métaphysique, et c’est au monde physique qu’elle aboutit.

  1. Tome III, p. 297-298.
  2. Tome VII, p. 602, l. 20-21.
  3. Tome III, p. 266, l. 9-15 ; p. 272, l. 1-6.