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tête de la traduction française des Principes, en 1647. Regius, piqué au vif, riposta par une sorte de Programme, affiché partout, où il maintenait ses positions contre Descartes. Celui-ci publia donc, en décembre 1647. quelques Notes sur ce programme, où il s’efforce de confirmer sa propre doctrine[1].

Notre philosophe (et il n’en était pas peu fier) avait distingué l’âme et le corps, comme personne ne l’avait fait avant lui. Regius crut pouvoir conclure de cette distinction, que l’homme, composé d’une âme et d’un corps, n’est tel que par accident, per accidens. Mais ce terme scolastique, restauré imprudemment, n’était pas sans danger. Un être qui n’est tel que par accident, n’est donc pas un être véritable, un être réel : la simple rencontre, accidentelle et momentanée, de deux substances qui ne demandent qu’à se séparer, ne saurait faire une substance nouvelle, un être, dans la pleine signification de ce terme. Descartes reconnaît[2] qu’on peut dire, à la rigueur, qu’il est en quelque sorte, quodammodo, accidentel à notre corps d’être joint à une âme, pourvu qu’on ajoute qu’il n’est pas moins accidentel à notre âme d’être jointe à un corps ; mais il assure que les deux, joints ensemble, font un être réellement et véritablement. La distinction de l’âme et du corps n’exclut pas leur union. Ce sont deux points de vue différents, aussi légitimes l’un que l’autre : ici l’homme considéré par rapport aux deux parties dont il est composé, et là par rapport au tout que ces deux parties composent. Il a, certes, deux parties ; mais il est aussi un tout, à savoir l’union substantielle des deux. Ainsi parlait Descartes en décembre 1641, et Regius se le tint pour dit, abandonnant sa malencontreuse formule : Homo Eus per accidens.

Mais il s’efforça, en revanche, n’ayant pas bien compris la distinction, de comprendre l’union de l’âme et du corps, et ne fut pas plus heureux. Cette fois encore, il fut mal servi par la ter-

  1. Tome VIII (2e partie). p. 335-370 : Notæ in Programma, etc. Voir aussi t. XI, p. 683-687.
  2. Tome III. p. 460-461.