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Page:Deschamps, Émile - Œuvres complètes, t5, 1874.djvu/200

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lO’i ŒUVRIilS D’KMILL: DESCIIAMPS. Mais ne t’a point cncor tout entière saisie!... Non, tu n’es pas conquise, et devant ta beauté, De son pâle étendard le vol s’est arrêté! La beauté vit toujours sur ton front qui repose, Sur ta limpide joue et tes lèvres de rose; Jusque dans le cercueil tu gardes ton trésor... pourquoi, Juliette, es-tu si belle encor! Non, de ce noir palais, où le temps n’a point d’heure, Je ne sortirai plus. J’y fixe ma demeure Avec les vers des morts, cbrtége fraternel. Là, je veux établir mon repos éternel. Abriter mon naufrage, et, repliant mes voiles, Y secouer le joug des funestes étoiles. U tire de sa poche un petit vase fermé dans lequel est le poison. Viens, guide du malheur, pilote redouté. Sur recueil du néant... ou de l’éternité. Viens briser mon esquif fatigué de la vie! Poison! voici ton heure! — Allons, sois assouvie. Passion du tombeau! Il boit le poison. Cher amante, je bois A toi seule! — mes j’eux, une dernière fois. Jouissez du bonheur de dévorer ses charmes; O mes bras, pressez-la sur mon cœur, gros de larmes ; Et vous, mes lèvres, vous, qu’on ne peut refuser. Imprimez sur sa bouche un suprême baiser! Il se penche pour l’embrasser. Que vois-je? elle respire! elle s’agite! Dans cet iustant, Juliette se soulève lentement, comme un speclre du fond de sa bière, et se met sur son séant, les yeux fermés et le cruciQx entre les mains... Boméo tombe à la renverse. JULIETTE, cherchant autour d’elle. OÙ suis-je? Où donc est mon seigneur! mon Roméo?... ROMÉO, avec transport, se relevant. Prodige ! Elle parle! elle vit! nous pourrons être heureux, Et nous aimer encore ! — destin généreux !