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DOCUMENT DÉCISIF.

sance ne faisait pas mention de cette indispensable cérémonie. Mais le moyen d’accepter qu’on ait pu donner le change au prêtre, et lui faire prendre pour un enfant de deux jours un nourrisson de neuf mois ? Ce petit roman, épluché d’un peu près, croule de lui-même. Il manque d’autorité et de logique, et, s’il a trouvé crédit auprès de quelques-uns des historiens de Voltaire, c’est sans doute par la difficulté de pénétrer quel intérêt on pouvait avoir à le fabriquer. Il est plaisant, en effet, que Voltaire se soit donné tant de mal pour se vieillir de quelques mois, et qu’il ait cru que pour si peu il assurait la tranquillité de ses derniers jours.

Disons que, grâce à un chercheur qui a eu le hasard de rencontrer tout un dossier relatif aux origines de la famille du poëte, la question se trouve désormais résolue au profit de la vraisemblance et du bon sens. Un cousin de Poitou, mais qui avait été élevé chez ses parents de Paris, Pierre Bailly, écrivait à son père, à la date du 24 novembre : « Mon père, nos cousins ont un autre fils, né d’il y a trois jours ; madame Arouet me donnera pour vous et la famille les dragées du baptême. Elle a esté très-malade ; mais on espère qu’elle va mieux. L’enfant n’a pas grosse mine, s’étant senti de la cheute de la mère[1]. » Cette lettre, dont le moindre mérite est de nous donner le secret de cette santé si délicate et jusqu’à la fin si chancelante, est décisive ; elle coupe pied à toutes les hypothèses et décharge victorieusement l’ancien notaire de l’inculpation d’une supercherie aussi condamnable, qu’elle eût

  1. Benjamin Fillon, Lettres écrites de la Vendée à M. Anatole de Montaiglon (Paris, 1861) p. 113.