Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/20

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dans son discours de réception à l’Académie, prétendait que l’historien, désireux de connaître à fond les mœurs du passé, devait jeter la sonde à plusieurs reprises, et, à l’aide de ces empreintes partielles, reconstruire une époque. Que pensent et que veulent le paysan, l’ouvrier des villes, le bourgeois, le financier, l’homme de robe, le prêtre, l’homme d’épée, le prince du sang, à la veille de la convocation des États-Généraux ? Quels sont leurs besoins, leurs ressources, leurs vertus, leurs vices, leurs idées sur le roi et sur Dieu ? Une critique des sources, attentive et patiente, suivie d’une réponse à toutes ces questions, peut seule donner la cause intime des faits. Un tel travail sera facile sur le XIXe siècle. L’histoire « de ceux qui n’ont pas d’histoire » est écrite. La société du règne de Louis-Philippe s’agite dans la Comédie humaine, la bourgeoisie de province, sous le second empire, vit dans Madame Bovary, le monde interlope des salons politiques dans le Nabab et le peuple des faubourgs dans l’Assommoir. Les procédés de l’écrivain tendent de plus en plus à s’identifier aux procédés du savant. Les romanciers se livrent à de vastes enquêtes, et leurs œuvres sont des rapports écrits par des artistes.

Le romantisme avait délivré notre littérature des vieux jougs. Le naturalisme, tout en bénéficiant de cette conquête, réagit dans une certaine mesure