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contre les tendances fantaisistes, et donne à la liberté une base solide : le vrai.

Aujourd’hui la bataille est gagnée sur le terrain du roman. Les lyriques, battus, n’opposant à la poussée naturaliste que des chefs vieillis ou des recrues sans talent, se réfugient au théâtre, la place forte des poncifs, et s’y défendent avec succès. La poésie, elle aussi, est à peine entamée par l’école nouvelle ; le cliquetis des mots vides n’y veut pas faire place aux scènes empruntées à la vie réelle. Quant à la critique et à l’histoire, il y a beau jour que les méthodes scientifiques y ont triomphé.

Ce n’est désormais qu’une affaire de temps. Le XIXe siècle vieillissant dédaigne de plus en plus les phrases à panache des rhétoriciens. Les derniers romantiques ont beau se tortionner, appeler les étrangetés du baudelairisme au secours des impassibilités parnassiennes, l’évolution naturaliste écrase ce qui ne veut pas se ranger. On ne s’insurge pas contre la logique de son temps.

Impossible de nier sans aveuglement l’élargissement de notre société, l’avènement de la démocratie. Dans vingt ou trente ans, les masses sauront lire. Le niveau de l’instruction montera, et, avec ce progrès, naîtront des besoins nouveaux. La France s’américanise : les lettres françaises s’américaniseront.

Nous assistons, en 1883, au mouvement initial. Le naturalisme, tant bafoué, finit par s’imposer,