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IROQUOISIE

arbres, des morceaux de bois, et ces hiéroglyphes ont une signification conventionnelle.

Placé en face de l’homme primitif, l’homme évolué ne le reconnaît plus. L’un et l’autre ont oublié qu’ils descendaient d’un ancêtre commun. « Cette gent écrit Jacques Cartier, se peut nommer sauvage, car c’est la plus pauvre gence qu’il puisse être au monde… »[1]

Les Français montent dans la barque qui est attachée au navire et ils vont aborder parmi les Indiens. Ceux-ci se réjouissent. Se divisant en deux ou trois groupes, ils chantent et dansent. Par méfiance, les femmes, sauf deux ou trois, ont fui dans la forêt. À celles qui sont présentes, Jacques Cartier distribue des peignes et des clochettes d’étain. Les Indiens rappellent toutes les autres ; elles accourent, entourent le capitaine, reçoivent des cadeaux à tour de rôle. Et, comme les premières, en guise de remerciement, elles lui caressent les bras et la poitrine. Elles dansent ensuite et chantent plusieurs chansons.

Ces sauvages n’habitent pas ici. Chaque été, ils viennent à Gaspé pêcher le maquereau. Ils apportent du maïs, de la farine de maïs, ils en fabriquent du pain. Ils font sécher des prunes, des fruits sauvages. Ils se nourrissent aussi de pois, de fèves, qui croissent au hasard. Ils n’emploient pas le sel.

Jacques Cartier plante une croix. Puis les Français reviennent à leurs navires. Un canot les suit bientôt. C’est le chef de ces Indiens qui le monte, avec ses trois fils et son frère. Il prononce une harangue, il indique la croix érigée là-bas. On imagine qu’il réclame la possession de cette terre. Les Européens conçoivent un plan : ils tendent au chef une hache de fer, lui indiquent qu’ils sont disposés à l’échanger pour la peau d’ours noir qui lui pend sur les épaules. Le canot se rapproche pour le troc. Un matelot en saisit soudain le rebord ; puis deux ou trois de ses compagnons sautent dans l’embarcation. Ils obligent alors les Indiens à monter à bord où ils les gardent comme des prisonniers. Chacun les rassure par signes, leur apporte à boire et à manger, leur

  1. H. P. Biggar — The voyages of Jacques Cartier, p. 61.