Page:Deubel - Chant pour l’amante, 1937.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


J’adulais chastement un idéal rageur
Et je priais les Dieux qui savaient mon amour
D’accorder la Très Chère et la Pure à mon cœur
Avant qu’il descendît le versant de mes jours.

Ma vie abandonnée aux mains blanches d’Elvire,
L’hymen eût pu m’offrir sa froide majesté,
Et, coquebin féru d’un spécieux délire,
J’aurais voué mon rêve à la fécondité.

Ô toi qui n’étais pas encore dans ma couche,
Ô toi qui m’apportas les fruits clairs de tes seins
Et qui devais plus tard faire saigner ma bouche
Lutée à la blancheur perverse de tes reins.

Tu devais m’enseigner qu’il n’est pas de dictame
Plus amer et plus doux que l’ardente blessure
Ouverte dans la chair fragile de la Femme
Quand l’orage des sens fait tonner sa luxure.

Beaux yeux embus de pleurs, doigts annelés de bagues,
Corps ivre de vin noir des pampres enchantés,
Vous deviez m’entraîner, roulé de vague en vague,
Vers le rivage en feu d’une autre éternité !

Capturé tout entier aux multiples liens
Que tresse sur mon cou ta chevelure torse,
Toi seule as su dompter en des jours anciens
Les fauves qui peuplaient les jungles de ma force.

Sur tes seins divergents qui fleurissaient ma bouche,
Maîtresse ! j’ai trouvé le refuge et l’asile,
Et je t’ai enlacée en un élan farouche,
Comme un python s’enlace au torse nu d’un psylle.

Par les aubes d’étain et les midis de plomb,
Ma poitrine ajustée à ton ventre convexe
Que semble couronner la mousse d’un vin blond,
Avidement, j’ai bu la coupe de ton sexe.

*

Souviens-toi ! le grand lit s’ouvrait dans l’ombre large
Ainsi qu’un livre austère et souvent médité
Où ton corps fastueux semblait inscrire, en marge,
Le poème du sang et de la volupté.